vendredi 10 avril 2009

Quelles stratégies de lutte contre la mosaïque africaine du manioc dans la région des grands Lacs?

La mosaïque du manioc est une maladie virale qui s’attaque aux plantes de manioc en Afrique et, dans une moindre mesure, en Asie. Les virus qui provoquent cette maladie appartiennent à la famille des Geminiviridae, une famille de virus dévastateurs, capables de provoquer des épidémies à large échelle.

Contexte
De la même manière, le virus de la mosaïque africaine du manioc (African cassava mosaic virus - ACMV) et, plus virulent encore, le virus de la mosaïque est-africaine du manioc (East African cassava mosaic virus - EACMV) sont associés à la maladie. Ces virus sont disséminés et transmis d’une manière très efficace par un minuscule insecte, une mouche blanche appelée Bemisia.
La mosaïque, en cas de forte infestation, peut provoquer des pertes de rendement catastrophiques. L’impact de la maladie est important dans les pays où le manioc constitue une base essentielle de l’alimentation. L’épidémie initiée en Ouganda est aujourd’hui présente au Kivu en République démocratique du Congo ainsi qu’au Burundi…
Le manioc est, avec la banane plantain, l’aliment de base pour plus de la moitié de la population de la République démocratique du Congo. Il est cultivé dans toutes les provinces. Comme dans toutes les régions productrices de manioc en Afrique, la mosaïque africaine constitue une des contraintes majeures à la production, capable de provoquer des pertes de l’ordre de 25 à 95 % selon les conditions écologiques, les souches du virus en présence, le niveau de résistance/susceptibilité des variétés utilisées,…
Au cours de la décennie écoulée, une pandémie de mosaïque a balayé l’Afrique de l’Est, au départ de l’Ouganda (Ouganda, Kenya, Tanzanie). L’analyse des souches a révélé l’existence d’un complexe de deux principales espèces virales, l’ACMV et l’EACMV, dont la souche ougandaise (EACMV-Ugv) est signalée comme étant la plus virulente.
La présence simultanée et le synergisme entre les différentes espèces provoquent des symptômes et des pertes de rendements encore plus sévères. L’objectif de ce projet est de comprendre la dynamique de la maladie, dans une région où elle a été très peu étudiée, pour développer les outils de contrôle de cette pandémie.

Objectifs
Initié en 2003, le projet a pour objectif global d’améliorer la productivité locale du manioc au travers des objectifs suivants :
• quantifier l’impact de la mosaïque du manioc dans la région en fonction des variétés cultivées ;
• identifier avec précision les souches virales de la région et leur distribution ;
• tester le niveau de résistance des variétés de manioc utilisées localement par les agriculteurs ;
• identifier, en collaboration avec les agriculteurs, les pratiques culturales à adopter pour limiter l’impact de la maladie et améliorer le rendement du manioc en milieu paysan.

Localisation et partenaires du projet
Basé à Bukavu, le projet a principalement couvert le Sud Kivu. Il a bénéficié d’une dynamique de collaborations tant au Nord qu’au Sud. Outre l’Unité de Phytopathologie de l’Université catholique de Louvain, l’Unité de Biochimie et de Biologie cellulaire des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur et la Faculté des Sciences agronomiques de l’Université catholique de Bukavu, partenaires initiaux du projet, plusieurs unités de recherche ont contribué à ce dernier, comme la Deutsche Sammlung von Mikroorganismen und Zellkulturen GmbH (Braunschweig, Allemagne), l’Université de Kinshasa, l’Institut facultaire agronomique de Yangambi - IFA (RDC), le réseau manioc de l’Institut national pour l’Étude et la Recherche agronomiques au Congo - INERA (Mvuazi, RDC) et, spécialement, la Station de Mulungu, l’Université du Burundi et l’Institut des Sciences agronomiques du Burundi - ISAB(Bujumbura), l’Institut international d’Agriculture tropicale (Namulonge, Ouganda) et le Centre de Recherche international pour les Régions semi-arides (Sadoré, Niger) qui ont participé aux succès et à la formation des acteurs du projet.

Résultats
Après quatre ans, les objectifs initiaux ont été largement atteints. Ainsi, nous avons pu démontrer que l’épidémie virale était bien présente dans le Kivu et, dans une moindre mesure,autour de Kisangani et de Yangambi. Le génome des souches d’ACMV et EACMV détectées dans la région a été partiellement ou totalement séquencé, ce qui a permis de mettre en évidence de nombreuses infections mixtes. Les variétés de manioc utilisées localement ont été patiemment décrites et caractérisées pour leur résistance au virus et aux maladies en général. Le projet a ainsi pu montrer tout l’intérêt des cultures en association, comme celle du haricot avec le manioc, pour le contrôle du virus et de son vecteur.
Le projet a aussi permis la mise en place d’une équipe de recherche sur la mosaïque, aussi bien à Bukavu qu’à Kisangani. Il a largement contribué à la formation des étudiants de deuxième cycle de la Faculté des Sciences agronomiques de l’Université catholique de Bukavu, via leurs travaux pratiques, mémoires et travaux de fin de cycles. Deux thèses de doctorat ont été initiées dans ce domaine. En outre, plusieurs étudiants bioingénieurs africains et belges ont réalisé un travail de recherche au Burundi et en RDC avec l’approche enrichissante d’un travail collégial, en binôme Nord-Sud. Les interactions entre chercheurs et paysans, lors des nombreuses sorties sur le terrain, ont permis un enrichissement et un apprentissage mutuels des compétences.
Enfin, une conférence internationale organisée à Bukavu a rassemblé plus de 100 participants pour la présentation des résultats du projet et des dernières connaissances scientifiques sur le sujet. Dans ce cadre, une table ronde a permis de réunir plusieurs acteurs majeurs (les chercheurs universitaires et des centres de recherche, les ONG, l’inspection de l’agriculture, l’INERA, l’ISABU, la FAO) dans le domaine agricole au Sud-Kivu, dans l’optique d’un contrôle plus efficace de la pandémie.

Conclusion
Au terme de ce projet qui a permis de montrer qu’une collaboration active et efficace sur le plan scientifique pouvait se dérouler, malgré une situation compliquée sur le terrain par l’insécurité au Sud-Kivu, nous tenons à exprimer nos plus vifs remerciements à la CUD et à son personnel, ainsi qu’à celui de nos universités respectives, pour le soutien apporté dans cette aventure qui nous a permis de relever le défi d’étudier ce virus responsable d’une famine préoccupante…

Les acteurs du projet

Espoir BISIMWA
Université catholique de Bukavu,
Laboratoire de Phytopathologie
ebisimwa@yahoo.com

Godefroid MONDE
Doctorant à l’Institut facultaire
agronomique de Yangambi - IFA Yangambi
mondekaz@yahoo.fr

Jean Walangululu
Professeur à l’Université catholique
de Bukavu, Doyen de la Faculté des Sciences
agronomiques walangululu@yahoo.fr

Claude BRAGARD
Professeur à l’UCL,
Unité de Phytopathologie
claude.bragard@uclouvain.be

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire